Sur les traces des grands maîtres indiens

Le Trégor, 7 décembre 1996
Alain Gibert est allé aux sources du yoga
Alain Gibert a créé à Lannion au début des années soixante-dix la première section de yoga en Bretagne. 28 ans après, l’homme n’a rien changé à son style de vie, inspiré de ses expériences en Inde et s’oriente de plus en plus vers la thérapie.
Le Yoga, c’est toute la vie d’Alain Gibert. Une révélation qu’il cultive toujours sur les hauteurs de Beg Léguer.
Passé le portail, l’homme vient à la rencontre du visiteur en tongs de bois et en vêtements blancs de style indien. Sur le mur de la maison un dessin d’une représentation physique en position du lotus précise que l’on enseigne ici le hatha-yoga. À l’intérieur dans l’odeur d’encens, le dépaysement est déjà presque présent. La fontaine et le bassin ornés de figurines en pierre attirent le regard et s’opposent au vaste bureau où trône l’ordinateur qui lui fait front.

Un univers où l’homme aux cheveux blancs et à la barbe bien taillée se sent bien. Alain Gibert a épousé le yoga à l’âge de 19 ans : « Ce fut une révélation. J’étais un jeune homme fougueux avec un trop plein d’énergie que je ne savais pas contenir, la médecine n’a pas trouvé de solutions pour moi quand j’avais 16 ans. Je me suis orienté vers les arts martiaux, le Kung-Fu. Une vraie violence sortait de ces sports. Ça dépassait le simple stade de la gym. Quand j’ai découvert le Yoga, j’ai su que c’était ce qu’il me fallait ». Dès lors en autodidacte, grâce à des livres spécialisés, le jeune homme se lance à fond dans la découverte de ce milieu. À raison de trois heures quotidiennes, il travaille le yoga. Trois ans plus tard, sans avoir fait d’écoles, il est embauché directement comme enseignant.

Mais Alain Gibert n’aime pas faire les choses à moitié. Avec la fougue de ses vingt ans, il veut aller aux sources de cet art. En 1973, il effectue son premier voyage en Inde.

Cette société le fascine au point d’en épouser les rites et la structure de vie dans un Ashram à Delhi. « J’y ai appris avec mon maître le yoga intégral et traditionnel. En Inde, le yoga est un art de vivre. Ici en Europe, nous en avons tiré une petite partie, la plus physique, le Hatha-Yoga. Moi j’étais en plus dans un Ashram structuré en hôpital où l’on pratiquait la médecine ayurvédique. Ça a été un très long et très rude apprentissage. Je me suis fait très peur parfois. J’ai même failli mourir tant la discipline imposée pour s’approcher le plus possible des postures enseignées par mon maître et de cet art de vivre était difficile. Je me suis accroché pour y parvenir ».

Brahmane

Héritier des maîtres yogiques, son retour en France n’est pas passé inaperçu : « Je me baladais dans les rues de Lannion avec l’habit traditionnel indien par exemple », sourit-il aujourd’hui.

Fort de son expérience, il enseigne pendant trois ans à l’institut de yoga de Paris qui forme les futurs professeurs de yoga. C’est aussi à cette époque qu’il lance la section Asptt yoga : « Je souhaitais mettre en place quelque chose sur Lannion. C’est l’Asptt qui m’a ouvert les portes, alors on l’a fait là ». La presse de l’époque relate l’aventure d’Alain Gibert et le photographie dans des postures très acrobatiques du yoga traditionnel.

En 1978, Alain Gibert retourne sur les traces de son maître : « Mon maître s’appelle Dhirendra Brahmachary. C’est un grand maître de yoga en Inde, il a écrit de nombreux ouvrages et était notamment le conseiller spirituel d’Indira Gandhi. Cette fois-là, j’y suis resté plusieurs mois. À plusieurs moments j’ai failli renoncer dans ce nouvel apprentissage que m’imposait la règle. C’était la première et l’unique fois qu’il recevait dans son ashram un Occidental. C’est chez lui que j’étais déjà allé la première fois. Là j’ai approfondi mon approche. Séduit, je suis devenu son fils adoptif et de ce fait j’ai pu accéder à la caste des Brahmanes sous le nom de Amarendra Bramachary ».

De ces périodes passées près des maîtres dans l’ambiance de l’Inde et la philosophie intégrale du yoga, Alain Gibert ne pouvait que tenter de transmettre aux Occidentaux ces pratiques : « Je ne vois pas ce que j’aurais pu faire d’autre que d’enseigner cet art, mais bien évidemment adapté, à la vie occidentale ». Lui par contre a fait le choix de vivre dans la rigueur et la justesse que lui ont enseignées les maîtres.

« Je développe la thérapie »

« Ha c’est le soleil et Tha c’est la lune. Et le yoga c’est l’union entre les deux. C’est à dire le corps et l’esprit, mais en soi le mot yoga ne veut rien dire, explique Alain Gibert. Le yoga c’est une science, mais c’est aussi une voie ».

Mais entre la tradition et la réalité, les voies sont de plus en plus nombreuses et on a de plus en plus de mal à s’y retrouver, Alain Gibert en est conscient. À Lannion, l’héritier des maîtres indiens s’est fait plus discret : « Un certain charlatanisme s’est emparé du mouvement. Ça va un peu trop dans tous les sens et ça discrédite le yoga. Pour la première séance, je vois les gens individuellement et je leur explique ce que je fais, pour voir si ça leur plaît ou pas. Avoir une attitude yoga c’est complètement à l’opposé de la vie matérielle que l’on peut mener aujourd’hui. C’est cette source de conflit qu’il faut apprendre à gérer. Il faut créer l’harmonie entre le soleil et la lune et apprendre à respirer. La vie c’est gérer l’inspir et l’expir ».

 

Au fil des années, Alain Gibert s’est spécialisé dans la thérapie. À 250 F la séance, c’est sa principale source de revenus. Il ne fait plus que trois cours de yoga de deux heures par semaine : « Je pratique des purifications internes selon les rites de la médecine ayurvédique vieille de 5 000 ans avant Jésus-Christ ». Le professeur de yoga organise aussi des séminaires : « C’est une voie que je vais développer, car on peut travailler plus en profondeur pendant un temps donné avec les gens ». Installé à Lannion son pays d’origine, Alain Gibert ne manque pas une occasion de repenser à l’Inde. Un jour sans doute, il refera le chemin vers ses maîtres. En attendant, il ne refuse pas le temps d’une retraite la compagnie des moines de Timadeuc dans le Morbihan : « Pour faire du yoga, il n’est pas nécessaire d’embrasser le bouddhisme » assure-t-il avec un petit sourire.

 

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